Une victime à la fois [Lug]

La haine est sans doute le pire sentiment que l’on puisse éprouver, ça peut transformer une personne bien plus que vous ne pouvez l’imaginer. Ce sentiment, Gabriel le ressentait jour et nuit, et il commençait sérieusement à devenir une maladie dangereuse, mais pas pour lui, seulement pour les malheureux qui croisaient son chemin. Oubliez l’enfant innocent et adorable que vous avez connu, ce Gabriel ne connaît pas la pitié. Mais cette haine qu’il ressent a beaucoup changé depuis une certaine nuit. Oui, le magicien était devenu encore plus sombre depuis cette soirée où il s’était rendu à la forêt de Brocéliande et qu’il avait combattu des hommes d‘Arthur aux côtés de Béatrix. Son sang avait peut être coulé cette nuit là, mais il y avait tout de même eu une quinzaine de morts du côté de l’ennemi, et tous étaient des chevaliers réputés. Il avait fait de grandes pertes et s’en tirait avec quelques blessures, mais contrairement à ces cadavres, lui serait remit sur pieds bien plus rapidement. Pourquoi sa haine avait-elle augmenté depuis ce massacre ? Parce que le dernier homme que Gabriel avait assassiné n’avait malheureusement pas choisit le bon sujet de conversation. Depuis, son envie de vengeance ne cessait d’augmenter, ce n’était plus seulement la famille Pendragon que le jeune homme voulait éliminer, il y avait également tous les chevaliers qui se battaient pour leur cause. Gabriel voulait les voir tous tomber un par un, et qui sait, avec un peu de patience, son but finirait peut-être bien par se réaliser après tout.

Lui qui parlait de faire tomber les chevaliers d’Arthur, aujourd’hui il en avait la parfaite occasion. Grâce aux informations que Béatrix avait pu obtenir lorsqu’elle était dans le camp adverse, celle-ci lui avait décrit l’homme qui allait cet après-midi faire son entrée dans le château de Geoffroy, se faisant passer pour un preux chevalier alors qu’il n’était en fait qu’un idiot d’infiltré au service d’Arthur. Il risque d’y avoir un mort aujourd’hui, Gabriel pouvait vous l’assurer. En ce moment même, le magicien se trouvait aux côtés de Geoffroy et faisait semblant d’être fasciné par ses fameux plans machiavéliques, alors qu’en vérité il pensait seulement que les projets de cet homme n’étaient pas grand-chose comparés aux siens. Mais rassurez-vous, ces quelques instants d’hypocrisie ne durèrent pas bien longtemps, car l’homme qui intéressait réellement Gabriel venait tous juste de passer les portes du château et se trouvait maintenant en face de lui et de Geoffroy. En fin de compte, ce roi n’était bien futé, étant donné qu’il bavardait bien poliment avec l’ennemi. Pas futé peut être, mais l’inviter à un banquet avait surement était la chose la plus intelligente qu’il avait fait de la journée. Accuser sans preuves un chevalier, ça Gabriel ne pouvait peut être pas le faire, mais l’empoisonner discrètement au cours du repas serait par contre un vrai jeu d’enfant. Tandis que Geoffroy regagnait ses appartements, le magicien quitta les lieux en lâchant une phrase tout à fait ironique qui était destinée au nouveau venu.

- J’espère que vous profiterez bien de ce banquet, après tout vos efforts vous méritez bien ça.

C’est sûr, cet homme méritait bien de mourir, mais Gabriel réfléchissait encore sur ce qui allait provoquer la cause de sa mort. Un étouffement ? Ou peut être bien une crise cardiaque. Ou pourquoi pas le rendre complètement fou jusqu’à ce qu’il décide d’en venir à se suicider. Et oui, dur de choisir lorsque la magie vous offre autant d’options. Mais en fin de compte la première lui paraissait être la meilleure. C’était une mort longue et naturelle, contrairement à la deuxième qui lui paraissait trop rapide et la dernière qui ferait forcement soupçon de magie, et Geoffroy ne devait pas savoir que Gabriel était le bourreau de cette victime. Plutôt que d’envoyer un chevalier, Arthur aurait mieux fait d’envoyer un magicien, au moins celui-ci aurait pu être un adversaire intéressant, oh mais quel idiot, ce roi n’acceptait pas la magie dans son royaume, dommage pour lui.

Ça y est, le temps était écoulé, il était enfin l’heure de faire à nouveau cesser un cœur de battre. Le banquet était ouvert, et il y avait bien plus de monde que Gabriel l’aurait pensé, ce qui était en fait une bonne chose car il pourrait agir encore plus facilement. Il venait tout juste de repérer l’homme qui était sa cible, il discutait avec une charmante jeune femme de l’autre côté de la pièce. Alors que le magicien, marchait entre la foule pour les rejoindre, un homme l’interpella. Il était blond aux cheveux longs mais avait surtout le même regard que lui. Oui, il possédait ces mêmes yeux sombres avec cette même petite pointe de lueur qui dévoilait qu’un acte criminel allait être commis et qu’il en était bien heureux. Mais pas le temps d’attacher plus d’importance à cet homme, car celui qui l’intéressait allait quitter les lieux, et Gabriel ne pourrait le permettre. Il attrapa aussitôt deux coupes de champagne, et personne n’eut le temps de voir ce que le magicien avait glissé à l’intérieur du verre, en tous cas la couleur ainsi que l’odeur n’avait pas changé. Celui-ci se posta alors devant l’homme.

- Hey mon ami, alors on quitte déjà le banquet ? On s’amuse bien pourtant ici, mais peut être avez-vous quelque chose de plus important à faire ailleurs ?

- En effet, il y a une personne hautement placée avec qui je souhaiterais entretenir une conversation, sur ce passez une agréable soirée.

- Quelqu’un d’hautement placé vous dites ? Pourtant toutes les personnes importantes sont présentes à ce banquet, mais peut être avez-vous quelque chose de secret à faire. Quelque chose dont personne ne doit être au courant.

Le regard inquiet que le chevalier avait en cet instant, Gabriel aimerait ne jamais l’oublier. Cette pointe d’angoisse qui montait en lui, cette peur d’être démasqué, il n’y avait rien de mieux que ces sensations avant de mourir. C’est alors que contre toute attente Gabriel éclata de rire, cela étant censé faire croire au chevalier qu’il avait bu plus d’un verre en trop et qu’il était donc complètement bourré.

- C’est bon je vous ai démasqué mais je ne dirais rien rassurez-vous. C’est la jolie brune avec qui vous discutiez tout à l’heure que vous allez rejoindre n’est-ce pas ? Très bien choisie. Et que dites vous d’un dernier petit verre avant d’aller la rejoindre ?

- La brune... Oui... Oui c’est exact, je suis découvert, mais je vous fais confiance pour ne le dire à personne. Bon je prendrais bien une dernière coupe, après tout, ça ne me fera pas de mal.

Oh si, bien plus que tu ne le penses mon ami. En quelques secondes, toute la pression du chevalier était descendue, si seulement il savait qu’il vivait ses dernières minutes, il ne serait sans doute pas aussi soulagé. Celui-ci attrapa alors la coupe que Gabriel lui tendit.

- A votre santé.

Les coupes se heurtèrent et le chevalier vida la sienne d’un trait. Les effets allaient commencés dans trois, deux, un… Et le voilà, qui lâchait sa coupe, qui alla se briser en mille morceaux contre le sol. Celui-ci était en train de palper sa gorge, comme ci que ça allait changer quelque chose. Gabriel se rapprocha de lui, afin de lui chuchoter quelques mots à l’oreille. Il avait reprit son ton sérieux, et lui montrait bien qu’il n’était en fait pas du tout bourré.

- Je vous aurais bien dit de faire passer le message à Arthur comme quoi il ne faut pas envoyer n’importe quel abruti sur ces terres, mais vous ne tiendrez pas jusque la. Sur ce, passez une agréable soirée

Le magicien lui tourna le dos, et laissa cet homme lentement agoniser. Le voilà qui s’écroulait sur le sol, essayant par tous les moyens de respirer. De nombreuses personnes vinrent vers lui, voulant l’aider mais malheureusement pour lui, sa vie était terminée lorsque sa bouche avait gouté au poison que Gabriel avait mit dans sa coupe. La plupart des gens étaient apeurés de voir ce chevalier mourir sans que personne ne puisse lui venir en aide, et Gabriel était sans doute le seul homme à esquisser un sourire en ce moment. Tous les mêmes ces chevaliers, toujours à vouloir attirer le regard des autres, même dans leur mort. Le magicien prit une nouvelle coupe de champagne lorsqu’il remarqua qu’une autre personne était en train de perdre la vie, mais cette fois-ci, ce n’était pas Gabriel qui en était la cause.

Le réfectoire était bondé. Les servantes passaient et repassaient, les mains chargées de diverses victuailles et boissons destinées à la ripaille et à la débauche habituelle de la soirée. J'aimerais bien m'amuser un peu, tripoter une ou deux damoiselles, boire jusqu'à plus soif... Mais je ne suis pas là pour ça. Je suis là pour exercer mon métier d'assassin. Et croyez moi, la mise à mort va être spectaculaire. Le jour où Geoffroy m’a indiqué ma cible j’ai commencé à imaginer tout ce que je pourrais lui faire : l’empoisonner, banal ; l’étrangler, classique ; le décapiter, trop barbare….

Finalement, je me suis rendu dans la bibliothèque du château et j’ai cherché mon bonheur parmi les rayonnages poussiéreux , dans la section « Famille Royale », un livre intitulé « Les exécutions les plus terrifiantes, incroyables et amusantes » écrit par un ancêtre de Geoffroy un tantinet sadique, m’a paru intéressant. Je l’ai feuilleté et j’ai fini par découvrir un modus operanti plutôt sympathique. J’ai refermé le livre avec un grand sourire : la soirée promettait d’être riche en hémoglobine.

Pendant que j’avance entre les rangées de tables en suivant ma victime des yeux, je remarque un autre homme, assez jeune, plutôt bel homme mais ce qui me frappe chez lui c’est l’énergie qu’il dégage, j’essaie de percevoir son aura et ressent des sortes d’ondes noires, le type d’ondes que dégage un tueur en chasse. Pendant un court instant nos regards se croisent et c’est comme si je savais ce qui aller suivre. Ce soir, il y aurait deux morts. Il refixe son attention sur un chevalier que je ne connais pas, sans doute un espion quelconque envoyé par Arthur, il discute avec lui.

Je me reconcentre sur ma propre proie. L’homme que je dois tuer est en train de tripoter le corset d’une servante qui se laisse faire en gloussant : pitoyable. Je regarde si mon piège est paré pour l’utilisation. Les cordes sont tendues au dessus de sa tête, personne ne s’en soucie, tout est parfait.
Je m’approche de ma cible et lui pose une main sur l’épaule. Il se retourne, passablement aviné et me fixe de ses yeux injectés de sang. Il semble avoir l’alcool mauvais.

-Quoi ? Qu’est ce que tu te permet de toucher un grand seigneur ?

Je secoue la tête, un peu désespéré par tant de bêtise crasse. Comment peut on proférer tant de stupidités en une seule phrase. Il n’est pas un grand seigneur, il n’est pas du tout impressionnant et par-dessus tout il est pour ainsi dire déjà mort.

-Je venais te souhaiter une désagréable mort.

Je saute sur la table et l’utilise pour rebondir en direction des cordes, je les saisit dans ma main sous le regard surpris des convives, au passage je constate que le chevalier de tout à l’heure est en train de s’étouffer et de mourir. J’atterris en souplesse sur le sol, me redresse et passe la corde autour du cou de ma victime, paralysée de terreur. Soudain le piège que j’avais préparé le matin même se déclenche : un poids tombe de la poutre où il tenait en équilibre, entrainant dans les airs la corde et donc le futur décédé qui hurle tout ce qu’il peut… pour finir empalé sur une lance qui était également fichée dans une poutre. En bref : l’homme est mort, son sang est en train de pleuvoir sur la table à laquelle il était assis l’instant d’avant, le poids à failli écraser une grosse dame venue quémander des prétendues terres familiales à Geoffroy, les gens hurlent d’horreur… et moi je me suis éclipsé en direction de l’autre cadavre afin d’admirer le boulot.

-Pas mal. Discret et subtil.

J’ai murmuré ces mots mais je suis sûr que l’auteur de ce meurtre, qui se trouve à quelques pas de là, les a entendus. Nous nous fixons et je décide d’aller le voir. Je me dirige vers lui, calmement, me sers une coupe d’hydromel et lance la conversation.

-Grande soirée, n’est ce pas ?

C’était bien cet homme la, l’auteur de cet autre crime, Gabriel n’en avait pas douté une seule seconde. Il savait avant même qu’il ne le fasse que ce blond aux cheveux longs allait commettre un acte criminel. Il l’avait lu dans son regard lorsque leur chemin c’était croisé et il s’avérait qu’il avait vu juste. Mais ce n’était pas la première fois que Gabriel l’avait aperçu, ce type avait déjà fait son apparition au château de Geoffroy, il en était certain, il reconnaissait sa silhouette, mais jamais auparavant leur regard ne s’était rencontré, et jamais ils n’avaient eu l’occasion d’entretenir une conversation. Terminant le verre de champagne qu’il avait à la main, Gabriel observait en même temps comment s’y prenait cet homme pour assassiner les gens. C’était un véritable spectacle. Tout le monde dans la salle avait posé leur regard sur lui à partir du moment où il avait sauté sur la table afin d’activer son piège et ainsi tuer ce chevalier. Oui un spectacle, il n’y avait pas d’autres mots pour définir cette scène, mais c’était sans doute le meilleur que Gabriel ait eu l’occasion de voir. Du sang, un bourreau, des hurlements et une victime qui se meurt, il n’y avait rien de mieux pour le distraire. Tous les invités étaient apeurés, certains avaient même préféré quitter la salle de peur d’être les prochains sur la liste, mais Gabriel restait impassible et observait toujours cette même personne qui l’intéressait de plus en plus.

- Pas mal. Discret et subtil.

Gabriel jeta à son tour un coup d’œil vers le chevalier à qui il avait ôté la vie, alors ça y est, il était bel et bien mort. Deux décès en une seule soirée, une chose était sure, l’on entendrait beaucoup parler du banquet de Geoffroy de Meryl que ce soit dans son château mais également là où résidaient les paysans et tous le peuple. Après, savoir si cela arrangerait la réputation de Geoffroy ou non, ça Gabriel s’en fichait pas mal, c’était dans ses habitudes de faire ce qu’il voulait sans se soucier du reste ou des conséquences de ses actes, et apparemment il n’était pas le seul dans ce cas la. Le blond que Gabriel ne lâchait pas des yeux avait deviné que c’était lui l’auteur du deuxième crime, et voilà que maintenant il le fixait à son tour. Gabriel soutint son regard et contrairement à d’autres, il ne chercha pas à fuir lorsque celui-ci s’approcha de lui et qu’il lui adressa quelques mots.

- Grande soirée, n’est ce pas ?

- En effet, on voit bien que l’auteur de ce banquet aime surprendre ses invités.

Ayant constaté que son verre de champagne était fini, Gabriel décida de goûter un autre genre d’alcool plus fort, et son choix se porta finalement sur un verre de Tequila. Et oui, souvent les apparences sont biens trompeuses, contrairement à ce que certain pourrait penser, Gabriel n’est pas du tout le type de personne alcoolique, seulement lorsque ses pulsions criminelles sont trop fortes, l’alcool l’aide à penser à autre chose. Et ce soir, après le crime qu’il venait de commettre, le magicien avait une sacrée envie de continuer à verser du sang, mais étant donné qu’il n’y avait plus d’ennemis dans la salle, mieux valait ne pas s’attaquer non plus à un allié. Gabriel but son verre cul sec et reposa ensuite son regard sur l’autre assassin qui était à ses côtés.

- Gabriel Turner, enchanté de faire la rencontre d’un homme aussi sadique que moi. J’ai beaucoup apprécié votre petite mise en scène, tout était bien calculé il n’y avait rien à redire. Et puis ce bond sur la table pour attirer l’attention des gens au moment crucial ou le chevalier allait perdre la vie m’a vraiment plu... Geoffroy doit beaucoup apprécier de vous avoir à ses côtés.

Lui qui parlait de Geoffroy, le voilà qui lui lançait un mauvais regard, on dirait bien qu’il avait remarqué que l’invité principal de ce banquet avait perdu la vie. Oui en fait c’était très possible étant donné qu’il se trouvait juste à côté du corps et qu’il lui faisait des signes bizarres pour savoir qui était l’auteur du crime. Gabriel haussa les épaules, faisant mine de ne rien savoir, mais sa manière si ironique de le faire prouvait que c’était bel et bien lui l’assassin et confirmait donc les accusations de Geoffroy envers lui. Le magicien détourna alors son regard, ignorant complètement le Geoffroy en colère qui se trouvait à quelques pas de lui. Mais il constata également que le crime de l’autre chevalier devait être manigancé par Geoffroy lui-même étant donné qu’il s’en fichait éperdument de ce mort la, du moins, il n’avait pas jeté ce même regard au blond qui, contrairement à Gabriel, avait commis son crime publiquement. M’enfin, un jour ce roi le remercierait de l’avoir débarrassé de cette vermine. Gabriel reposa à nouveau son regard sur le blond qui avait l’air d’avoir comprit en les observant que son meurtre n’avait pas été commis sous l’ordre de leur roi.

- Et oui, même quand on est le chef d’un territoire on ne commande pas tout, et puis j’aime assez le regard qu’il me lance lorsque je lui fais une surprise.

Toujours à vouloir plaisanter ce Gabriel, même lorsqu’il s’agissait d’un mort, c’était tout lui ça. Le magicien se servit un autre verre, qui serait surement le dernier car était boire une chose, mais avoir toute sa lucidité avec de l’alcool en soit en était une autre. Gabriel jeta un petit coup d’œil dans la salle, apparemment on faisait déjà évacuer les morts, mais celui-ci reporta vite son attention sur le blond lorsque celui-ci prit la parole.

J’observe avec curiosité l’homme qui me fait face. Il transpire la malveillance par tout les pores, son sourire insolent parait narguer jusqu’aux dieux eux-mêmes, son regard est comme une grotte sans fond et glaciale. Oui, cet homme qui parait être fait de la plus pure cruauté : il me plait bien. Je rencontre enfin quelqu’un qui semble être comme moi, aussi dangereux, froid, manipulateur, cruel, un homme plein de sadisme et de haine envers le monde.
Je remarque que Geoffroy, qui n’a pas eu d’autre choix que d’aller voir les cadavres et s’apitoyer sur celui du chevalier empoisonné, jette un regard courroucé à l’assassin qui se contente de hausser les épaules en souriant. Aurait il commis ce meurtre de sa propre volonté ? Intéressant. Un affranchi pourrait s’avérer très utile à fréquenter, d’abord ça me permettrait d’observer une nouvelle approche de l’assassinat, et puis, il pourrait m’aider, et surtout, nous serions complémentaires… Pourquoi ne pas même nous associer ?

- Gabriel Turner, enchanté de faire la rencontre d’un homme aussi sadique que moi. J’ai beaucoup apprécié votre petite mise en scène, tout était bien calculé il n’y avait rien à redire. Et puis ce bond sur la table pour attirer l’attention des gens au moment crucial ou le chevalier allait perdre la vie m’a vraiment plu... Geoffroy doit beaucoup apprécier de vous avoir à ses côtés.

Oups, j’étais tellement perdu dans mes pensées que j’ai un instant oublié où je me trouvais. Je me tourne vers mon interlocuteur, ce Gabriel Turner, et lui offre un grand et large sourire. Autant être sympathique avec lui, qui sait, cela pourrait être le début d’une nouvelle amitié, vu que j’ai l’étrange et fâcheuse tendance à fraterniser et me lier avec les belles jeunes femmes…du camp ennemi, et surtout de torturer et faire chanter celles de mon propre camp. Je suis un véritable paradoxe ambulant. Je tend la main à Gabriel.

-Enchanté de même. Je suis Lug O’Brien, assassin officiel de Sire Geoffroy.

Je lui lance un regard perçant, je n’ai pas dit « assassin officiel » pour rien, je voulais voir sa réaction. Je suis déçu vu qu’il n’en a aucune. Pas grave, je continu sur ma lancée.

-Vous savez, le sadisme est relatif. J’aurais pu assassiner cet homme de façon bien plus atroce, longue et douloureuse…et surtout plus discrète. J’ai choisi cette méthode parce que j’aime la grandiloquence, le spectacle… et impressionner les gens. Cela dit, permettez moi e vous contredire, mon saut sur la table n’était pas destiné à attirer l’attention, mais j’avais besoin d’un appui surélevé pour saisir la corde. En tout cas, content que vous ayez aimé.

Je le salut en levant légèrement ma coupe et bois une longue gorgée d’hydromel. Étrangement, il s’est servi de la Tequila, un alcool étranger et assez fort, que personnellement je trouve totalement dénué de goût, à dire vrai je privilégie les alcools doux et parfumés tels que le cidre, l’hypocras, le vin… En revanche ce Gabriel parait spécialement apprécier les boissons fortes, et en grande quantité, un grave défaut chez un homme dont le métier nécessite une concentration irréprochable et une grande sureté manuelle. C’est simple, un assassin qui a les mains qui tremblent est un assassin mort.
Pourtant Gabriel semble parfaitement maitre de lui. Il est décidément étonnant.

Il se rend compte que j'ai capté l'échange silencieux entre le sieur de Méryl et lui.

- Et oui, même quand on est le chef d’un territoire on ne commande pas tout, et puis j’aime assez le regard qu’il me lance lorsque je lui fais une surprise.

Je ne peux m’empêcher de rire. Effectivement, le regard de Geoffroy est un véritable spectacle tant il canalise d’émotions fortes, pour le moment il ressemble à un hibou particulièrement choqué et scandalisé, mais un hibou porteur de mort…
Je m’arrête un instant sur le terme « chef de territoire», je ne comprend pas très bien ce qu’il entend par là, sans doute qu’il dirige une quelconque terre octroyée par Geoffroy suite à un acte de bravoure quelconque, ou un assassinat particulièrement difficile réussi avec brio. Je n’ai jamais eu droit à ce type de récompense, sans doute parce qu’un meurtre qui aurait pris une semaine à un assassin ordinaire ne prend en général que quelques heures avec moi. Geoffroy ne doit pas me considérer comme spécialement méritant puisque je suis le meilleur tueur de ce monde. En fait, je crois même que je pourrais exécuter Arthur lui-même. Mais je ne le ferais pas. Tant qu’Arthur vit, Geoffroy me donnera toujours du travail, et j’aime vraiment mon travail.

-Geoffroy ne m’a pas nommé chef de territoire, et j’ai pourtant l’impression d’être moins son larbin que vous, sans vouloir vous offenser. Il n’a jamais critiqué une seule de mes… disons initiatives personnelles. Sans vouloir me vanter, je crois qu’il craint de m’offenser. Je lui suis presque indispensable. Mais je ne vous ai jamais vu ici, je suppose que vous le servez au-delà du château ?

Je suis vraiment très curieux de savoir ce qui est cet homme, cet autre assassin, aussi sadique que moi, une sorte de miroir déformant, avec de nombreuses similitudes, mais aussi beaucoup de différences.

Lorsqu’il se présenta, l’homme en face de lui vint lui tendre la main en se présentant à son tour. Gabriel la lui serra, cachant du mieux qu’il pouvait un certain sourire. Lug O’Brien, alors c’était donc lui. Gabriel avait déjà eu l’occasion d’entendre ce nom à plusieurs reprises, il savait que les gens le craignaient mais surtout qu’il était un grand assassin au service de Geoffroy. Le magicien avait souvent désiré le rencontrer, et peut être même le tester afin de se rendre compte par lui-même si les rumeurs étaient bien vraies. Malheureusement Gabriel n’a jamais pu faire sa rencontre, bien trop occupé à mener un plan à exécution. Mais aujourd’hui, il l’avait sous les yeux, et plus besoin de le faire passer un test, Lug lui avait déjà montré un avant gout de ce qu’il était capable de faire en tuant cet autre chevalier. Un affrontement lui semblait donc inutile mais par contre, une alliance lui semblait bien plus appropriée. Gabriel reporta son regard sur cet homme lorsque celui-ci reprit la parole.

- Vous savez, le sadisme est relatif. J’aurais pu assassiner cet homme de façon bien plus atroce, longue et douloureuse…et surtout plus discrète. J’ai choisi cette méthode parce que j’aime la grandiloquence, le spectacle… et impressionner les gens. Cela dit, permettez moi de vous contredire, mon saut sur la table n’était pas destiné à attirer l’attention, mais j’avais besoin d’un appui surélevé pour saisir la corde. En tout cas, content que vous ayez aimé.

- Je vois que je ne suis pas le seul à connaître l’art de la mort. Certains trouvent l’idée de tuer répugnante et d’autres assassinent mais n’ont aucune passion dans leurs actes. Moi, je suis plutôt de ceux qui font de leur crime un chef d’œuvre, et vu de quelle manière vous avez tué cet homme, j’ai bien l’impression que vous partagez mon point de vu.

Un assassin, un homme cruel qui ne prend plus la peine de compter ses victimes, un homme qui tue dans les règles d’art, si vous êtes ce genre de personne, alors Gabriel vous appréciera et fera tout pour vous avoir à ses côtés, et Lug semblait être précisément cet homme la. Gabriel et Lug séparément font déjà beaucoup de dégâts, alors imaginez vous un peu ce que cela donnerait s’il formait un duo. Si une telle chose devait se produire, ne pensez pas un seul instant survivre face à eux. Oui, cet homme était tout à fait le type d’allié qu’il lui fallait, et puis il lui paraissait être quelqu’un de confiance, donc pourquoi pas également un bon ami après tout ? Mais cela se fera sans doute avec le temps, étant donné que Gabriel n’accorde pas sa confiance à n’importe qui. Soudain, Lug se mit à rire, apparemment il avait aperçut le regard assassin que Geoffroy venait de lui lancer.

- Geoffroy ne m’a pas nommé chef de territoire, et j’ai pourtant l’impression d’être moins son larbin que vous, sans vouloir vous offenser.

- Vous savez, de nos jours il devient difficile de discerner qui est le larbin de qui...

Gabriel n’avait rien ajouté de plus, il préférait laisser son interlocuteur se poser des questions quant à ses propos. Et oui, c’était bien son genre de laisser peser le doute dans l’esprit des gens. Laissait-il sous-entendre que de manière indirecte c’était Geoffroy qui était en vérité le larbin de Gabriel ? Peut être, peut être pas... Après tout, venant de sa part, il faut s’attendre à tout, que ce soit du meilleur comme du pire. Sachez seulement une chose, Gabriel n’est pas le genre de personnes à servir un roi sans aucun but précis derrière tous ça, et comme toute personne qui veut mettre en œuvre un grand projet, il lui faut une couverture adéquate. Vivre pour servir éternellement un roi n’a jamais fait partis de son destin, et oui il semblerait que les apparences soient belles et biens trompeuses, surtout lorsqu’il s’agit de Gabriel. Bref, revenons-en à Lug, celui-ci ne tarda pas à ajouter certaines choses, mais surtout à montrer l’importance de son poste auprès du roi.

- Il n’a jamais critiqué une seule de mes... disons initiatives personnelles. Sans vouloir me vanter, je crois qu’il craint de m’offenser. Je lui suis presque indispensable.

Être l’ami de Geoffroy n’a jamais vraiment fait parti des principes de Gabriel. En fait il ne le considère ni comme son roi ni comme son ennemi. Il le respecte suffisamment pour travailler à ses côtés mais cela ne signifie pas pour autant qu’il ne fait jamais rien derrière son dos. Gabriel n’a rien de bien particulier contre cet homme à partir du moment où il sait que lorsqu’il doit lui confier une mission, il ne faut jamais tenter l’autorité avec lui. Oh bien sur vous pouvez toujours essayer, mais vous ne parviendrez à rien à part peut être vous faire un nouvel ennemi, et croyez moi, avoir Gabriel Turner contre soi n’est pas un cadeau.

- Et bien pour tous vous dire, c’est seulement lorsque je tue l’invité principal d’une de ses fêtes qu’il n’apprécie pas trop. Mais si vous comptez autant que vous le dites pour Geoffroy, et bien je dois avouer que c’est une assez bonne chose. Il est vrai qu’entre lui et moi règne parfois une petite rivalité, mais disons que ce n’est qu’un passe temps parmi tant d’autres.

Un passe temps parmi tant d’autres... Il devait bien être le seul à oser dire qu’il s’amusait à être en rivalité avec Geoffroy. Contrairement à certaines personnes, Gabriel ne laissait pas les gens se montrer supérieur à lui sous prétexte qu’ils soient roi ou autres, tous comme eux il se fait respecter et c’était peut être bien ça qui avait fait naître cette petite rivalité entre eux car il est vrai que Geoffroy aimait être le centre d’attention.

- Mais je ne vous ai jamais vu ici, je suppose que vous le servez au-delà du château ?

Ce Lug O’Brien chercherait-il à le discerner ? Mh mauvaise pioche, Gabriel n’était pas le genre à donner trop d’informations le concernant, mais bon il ferait un effort et répondrait tout de même à cette question.

- Oui et non, il est vrai que la plupart de mes missions se déroulent en dehors, mais il m’arrive aussi parfois d’en faire au sein même de son château.

Gabriel préférait rester le plus vague possible sur ses activités, après tout s’il lui dévoilait tout maintenant, il n’y aurait plus de surprise. Soudain, une charmante jeune femme vint se rapprocher de lui, il l’avait déjà aperçut plusieurs fois aux côtés de Geoffroy, sans doute encore une esclave des beaux yeux du roi. Tel un gentleman, le magicien lui adressa un charmant sourire et lui baisa la main lorsqu’elle vint se présenter. Lui qui avait envie de sang, voilà qu’une belle chaire fraiche s’offrait à lui. Il savait ce qu’elle était venue faire, elle n’était là que pour lui livrer un message de Geoffroy, apparemment trop occupé pour venir lui parler lui-même, tu parles d’un roi… Gabriel était bien tenté de la suivre afin de « discuter » en tête à tête avec cette jolie créature, mais il y avait Lug et une alliance qu’il souhaitait former qui passerait donc avant elle. Gabriel se força donc à la renvoyer auprès de son roi, tant pis, le sang coulerait une autre fois. Maintenant que plus personne ne venait les déranger, celui-ci se tourna à nouveau vers Lug, c’était à son tour de se renseigner.

- Vous dites être l’assassin officiel de Geoffroy... Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler pour cet homme ?

Avant d’envisager un quelconque duo, Gabriel devait avant tout connaître quelques détails. Peut être ne verrez aucune importance concernant certains d’entre eux, mais ils en avaient tous une grande pour lui. Espérons seulement que Lug ne la jouerait pas mystérieux comme lui l’avait fait précédemment car il est vrai que cela l’embêterait assez. Enfin nous verrons bien. Une chose était sûr, il n’était pas dit qu’une éventuelle alliance entre ces deux la enchante le grand Geoffroy de Meryl, mais comme vous le savez si bien, Gabriel est connu pour faire toujours ce qu’il lui plait.

Je plonge mon regard dans celui de Gabriel. Nous sommes pareils. Ou presque. Il y a dans ses yeux une lueur que je n’aime pas. Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais ce type me met vaguement mal à l’aise. Ses propos sur l’assassinat aurait tendance à me mettre en confiance pourtant, ils résument parfaitement mes pensées sur le sujet. Je suis passionné par mon métier, que dis je, par mon art.
Une alliance avec cet homme me semble de plus en plus indiquée. Si nous formions un duo nous serions invincibles. Qui pourrait lutter contre le meilleur assassin de ce pays, et contre un excellent assassin doublé d’un magicien ? Personne. Aucune proie ne pourrait nous échapper. Je bois une longue gorgée d’hydromel, appréciant la saveur douce amère de l’alcool sur ma langue et dans ma gorge.

Sa remarque sur « Qui est le larbin de qui » me fait sourire. Il essaie de m’embrouiller. Dommage cher Gabriel, ça ne marche pas. Je ne suis pas un de ces courtisans qui s’émerveillent à la moindre remarque et gobe sans broncher toutes les couleuvres qu’on leur sert.

- Et bien pour tous vous dire, c’est seulement lorsque je tue l’invité principal d’une de ses fêtes qu’il n’apprécie pas trop. Mais si vous comptez autant que vous le dites pour Geoffroy, et bien je dois avouer que c’est une assez bonne chose. Il est vrai qu’entre lui et moi règne parfois une petite rivalité, mais disons que ce n’est qu’un passe temps parmi tant d’autres.

Un passe temps ? Se bagarrer avec Geoffroy ? Ce type est vraiment fou, j’adore ! Personne de « sensé » n’oserait contredire les ordres de Geoffroy. Au début, quand il m’a pris à son service, ça m’arrivait de refuser certaines missions, comme l’assassinat de bébés par exemple. Maintenant il sait quelles missions il peut me confier, et il envoie ses sbires faire le sale boulot. Le roi est suffisamment intelligent pour comprendre qu’il ne peut pas me faire plier comme les autres assassins qu’il embauche.
Il dit quelque chose mais mon attention est captée par une jeune femme, fort jolie, qui s’approche de Gabriel. Ce dernier lui baise la main et se comporte de manière charmante, un vrai courtisan. Mais ce qui me surprend c’est que je met enfin le doigt sur ce qui me perturbais chez lui. C’est un psychopathe. Oui, je sais, il n’est pas impossible que j’en sois un aussi. Mais moi je ne ressens pas de pulsions meurtrières, des envies dévorantes de voir le sang gicler… Lui si, ça se voit dans le regard qu’il jette à la jeune femme…comme s’il voulait la dévorer vivante. Je prend l’autre main de la damoiselle, la lui embrasse vite fait et lui fait signe de s’en aller. Autant qu’elle ne reste pas trop prêt de Gabriel.
Il se retourne vers moi après avoir suivi la donzelle des yeux.

- Vous dites être l’assassin officiel de Geoffroy... Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler pour cet homme ?

Bonne question. Je lui sourit.

-Des raisons personnelles. Que je n’ai dévoilé à personne.

En fait j’ai moi-même du mal à cerner pourquoi je me suis mis au service de Geoffroy…
En tout cas, une chose est sûre, je dois me méfier de cet homme tout en en faisant mon allié. Il pourra se révéler une arme utile.

HJ: Désolé, c'est pas terrible mais j'ai du mal à écrire ces derniers temps... ^^"

Lorsque Lug avait posé à nouveau son regard sur Gabriel une fois la jeune femme partie, le magicien avait bien compris que celui-ci avait remarqué son extrême attirance pour le meurtre et le sang. Allait-il le prendre pour un fou ? Au final, peut-être qu’il en était réellement un, après tout, n’importe quelle personne normale aurait des remords à voler la vie d’un autre être humain, et n’importe quelle personne normale ne parlerait pas de la mort comme d’un art et n’aurait pas de pulsions meurtrières... Alors oui, il était peut-être un dangereux psychopathe, mais il savait tout de même se contrôler. Lorsque Gabriel demanda à l’assassin face à lui ce qui l’avait poussé à travailler pour Geoffroy, celui-ci lui adressa un sourire et lui répondit rapidement.

-Des raisons personnelles. Que je n’ai dévoilé à personne.

- Je comprends et respecte ça.

Lug ne lui faisait pas encore confiance, enfin c’était tout à fait normal étant donné que lui et Gabriel se connaissaient depuis seulement quelques minutes maintenant, il aurait donc été tout à fait stupide de sa part de lui faire tout de suite confiance. Ce genre de chose vient avec le temps, d’abord on se test, on apprend à se connaitre un minimum, on combat ensemble puis peu à peu la confiance s’installe et leur duo devient par la même façon de plus en plus fort. En tous cas, c’était comme ça que Gabriel voyait les choses. Jusqu’à présent, la seule personne en qui il avait réellement confiance n’était autre que Béatrix. Il la connaissait depuis qu’il avait mis les pieds sur les terres de Geoffroy, et elle était comme lui. Béatrix était la seule qui le soutenait même dans ses plans les plus tordus et suicidaires, elle le conseillait, l’aidait, et à ses côtés les choses lui paraissaient plus simples…

Le plus de force possible, c’était ce que Gabriel cherchait en lui et en ses alliés. Pour lui, tout ne tournait plus qu’autour de la vengeance, et pourtant, il fut un temps ou Gabriel ne voulait combattre que pour protéger son peuple mais surtout ses proches. Aujourd’hui, il voulait toujours protéger ses proches mais détruire ce peuple auquel il avait appartenu étant enfant. Mais désirer le plus de force possible, c’était aussi passer outre ses sentiments, car dans la conception de Gabriel, l’amour est une faiblesse. Il avait déjà vu les conséquences qu’avait apportées ce sentiment et l’avait même déjà ressentit. D’abord vous êtes heureux, tous va pour le mieux, mais le bonheur n’est jamais éternel, et arrive le jour ou tout bascule. Il suffit que la personne que vous aimez vous trompe, ou bien qu’elle décède, et vous sombrez alors peu à peu jusqu’à ne plus jamais pouvoir vous relever. Ou pire encore, un quelconque ennemi pourrait très bien décider de s’en prendre à l’une de ces personnes auquel vous tenez le plus pour vous atteindre, et vous voilà pris au piège, obligé de céder. Gabriel avait déjà perdu ses parents, depuis, il avait décidé de s’attacher au moins de personnes possible pour ne plus avoir à en souffrir et voilà ce qu’il était devenu aujourd’hui, un être sombre, un assassin, un manipulateur, mais au moins, il ne souffrait plus. N’avait-il réellement plus de cœur ? C’était ce qu’il espérait, mais ces derniers temps, il commençait à en douter de plus en plus. Mais ce soir, à ce banquet, ce qui comptait pour lui n’était pas de savoir s’il pouvait aimer ou non mais plutôt de savoir si Lug accepterait une éventuelle alliance avec lui.

- Dites-moi, monsieur Lug O’Brien, les rumeurs disent que vous préférez travailler en solitaire, mais n’avez-vous jamais envisagé de former un duo avec une personne tout aussi redoutable que vous ?

Il l’avait enfin posé, la fameuse question, à présent, il ne lui restait plus qu’à attendre la réponse. Mais étant donné le sourire que Lug affichait déjà, Gabriel se doutait bien que la réponse de celui-ci lui serait positive. Alors que cette nuit, les gens riaient, dansaient, discutaient, ou buvaient, toute cette population était bien loin de se douter que tout près d’eux, une terrible alliance était sur le point de se former...

- Dites-moi, monsieur Lug O’Brien, les rumeurs disent que vous préférez travailler en solitaire, mais n’avez-vous jamais envisagé de former un duo avec une personne tout aussi redoutable que vous ?

Je m'attendais à cette question, elle me paraissait même évidente. Je souris à l'idée d'une alliance avec lui. Un magicien psychopathe et le meilleur assassin du royaume contre les Chevaliers de la Table Ronde... L'idée est plus qu'alléchante. Nous serions presque invincibles, pour peu que nous nous organisions bien. Et puis.... Peut être qu'il pourrait m'aider à tuer Geoffroy et Arthur. Oui, cette idée de tuer les deux rois me trotte dans la tête depuis un petit moment, ça résoudrait beaucoup de problèmes et pourrait me permettre de régner sur le royaume. Le problème est que si je demande l'aide de Gabriel il voudra sans doute sa part.... Qu'importe j'aviserai. Mais pour l'instant je ne peux qu'accepter cette proposition, elle est trop tentante.

-Vous pouvez m'appeler Lug... Les rumeurs disent vrai, je ne forme jamais d'alliance. Mais la raison en est simple: personne n'est aussi redoutable que moi...

Je laisse ma phrase en suspens histoire de m'amuser un peu. Je le sens vexé, il doit penser que je le considère comme mon inférieur, ce qui n'est pas entièrement faux. En effet, je n'aime pas les assassins pourvus de pouvoirs magiques, je les vois comme des tricheurs sans talents. Mais Gabriel Turner semble différent, il possède en lui la cruauté du chasseur de vies humaines, pas l'espèce de comportement amorphe des mercenaires magiciens.

-Toutefois... Vous me semblez être un allié idéal. J'accepte donc votre proposition.

Je lui souris largement, puis saisi une coupe et me place sous la poutre où ma victime est toujours empalée.... et où le sang coule sur la table. Je remplis discrètement la coupe de sang et retourne près de Gabriel qui me regarde d'un air surpris.
Je lui tend la coupe.

- Puisque notre alliance va faire couler une grande quantité de sang, permettez moi de m'assurer que vous supportez son odeur, sa vue....et sa saveur. Buvez et scellons notre marché.

Je sais d'avance qu'il boira. J'ai déjà fait passer ce test à un chevalier d'Arthur infiltré au château qui prétendait vouloir devenir mon allié. Il s'est forcé à boire et a tout vomi... Le lendemain j'ai envoyé une lettre à Arthur qui lui disait que son chevalier était dans la forêt.... Ils ont mis trois mois pour retrouver les morceaux et les os. Et encore, ils n'ont pas pu avoir la tête puisque je l'ai gardée en souvenir. Elle trône actuellement sur le manteau de ma cheminée. Mais je doute fort d'avoir à faire ça à Gabriel.

Oui, une alliance avec Lug serait la meilleure qu’il puisse faire, et un tel duo ferait trembler bien des personnes, peut-être même le roi Geoffroy lui-même qui se croit à l’abri de tous danger par sa puissance. Mais la puissance de Geoffroy tombera face à la leur. Mais pour l’instant, tuer Geoffroy n’était pas si urgent que ça, il serait plutôt la seconde phase de son plan car la première est bien entendue de tuer Arthur. Lorsque Gabriel parla de former une alliance, il ne parvint pas tout de suite à cerner la réponse de Lug, alors il attendit qu’il la lui dise par ses propres mots.

-Vous pouvez m'appeler Lug... Les rumeurs disent vrai, je ne forme jamais d'alliance. Mais la raison en est simple: personne n'est aussi redoutable que moi...

Cette réponse signifiait-elle un non ? Impossible, Lug perdrait autant que lui en refusant cette offre, et au fond de lui, il savait bien que Gabriel était une personne aussi redoutable qu’il ne l’était. Faire durer le suspens, ça lui correspondait bien après tout, mais à quoi bon lorsque la réponse est évidente.

-Toutefois... Vous me semblez être un allié idéal. J'accepte donc votre proposition.

Une fois de plus, tout marchait à la perfection. Mais il ne fallait pas non plus crier victoire trop vite, avec un allié tel que Lug, il valait tout de même mieux faire attention et assurer ses arrières, on est jamais à l’abri du danger après tout... La confiance, une chose que Gabriel avait du mal à accorder, mais peut-être qu’avec le temps, Lug ne serait plus allié mais plutôt un ami, allez savoir, seul le temps nous le dira.

- Bien, voilà donc une bonne chose de faite.

Mais avec Lug tout ne se déroulait pas aussi facilement, et ça, Gabriel le savait bien. Qu’allait-il donc lui réserver ? Il n’eut pas à attendre bien longtemps avant d’en connaître la réponse. Lug attrapa une coupe et la remplit du sang du cadavre avant de la lui tendre pour qu’il la boit. Boire ce sang serait un peu comme signer leur alliance sur un bout de papier, Gabriel le savait bien, s’il ne le faisait pas, Lug n’accepterait pas de s’allier à ses côtés. Et pourtant, lorsque le magicien posa son regard sur cette coupe, et ensuite sur Lug, il eut plutôt envie de refuser. Gabriel était ainsi, il détestait qu’on lui impose de faire quelque chose.

- Puisque notre alliance va faire couler une grande quantité de sang, permettez moi de m'assurer que vous supportez son odeur, sa vue....et sa saveur. Buvez et scellons notre marché.

- Si vous aviez écouté les rumeurs me concernant, vous ne vous poseriez même pas cette question...

Oui, Gabriel supportait autant l’odeur, la vue ainsi que la saveur du sang, alors pourquoi ne pas boire cette coupe et en finir avec cette histoire ? Tout simplement parce que le magicien aimait choisir le sang qu’il allait boire, tout comme un consommateur de vin aimerait choisir la marque qu’il allait acheter. D’un simple revers de main, Gabriel balança la coupe pleine de sang sur le sol et se dirigea vers la femme que Geoffroy lui avait envoyée quelques minutes plus tôt. C’était elle que Gabriel voulait tuer, et c’était le sang de cette personne qui lui donnait envie. Le magicien dégaina alors sa dague et la lui planta sous sa poitrine tout en mettant une main devant sa bouche pour empêcher que son cri n’attire l’attention. Après s’être assuré de sa mort, le magicien prit une nouvelle coupe et la remplit de son sang puis retourna auprès de Lug qui avait observé toute la scène de là où il était. Une fois face à lui, Gabriel dégusta avec plaisir la boisson qui se trouvait dans son verre.

- Le sang de cette femme est exquis, vous devriez le goûter.

Gabriel afficha un certain sourire. Oui, il aurait très bien pu se contenter de boire le sang de cet homme et de laisser cette pauvre femme en vie, mais il en avait décidé autrement. Cruel ? Oui il l’était, mais ça vous le savez déjà tous.